Manuel de l’antique pèlerinage de DOUMY 

ANNÉE 1792

Sainte Quitterie étoit fille de parens idolâtres et riches, de la ville de Rome,  fon  père  s’appeloit  Cajus-Attilius-Severus  Conful  :   et  fa   mère Califa-Attilius fut envoyé  gouverneur  des  Provinces  de  Galice  et  de Portugal en Espagne, vers l’an 167,  par les empereurs  Antonin,  Aurele  et Comode qui régnoient enfemble : pendant qu’Attilius étoit en Galice avec fa femme, dans la ville nommée Belcagie, qu’on appelle à préfent Bayonne, la Dame Califa devient  enceinte ;  cependant Attilius  s’en  alla vifiter fon gouvernement et pendant fon abfence Califa accoucha de neuf filles ;  de  cette  feule  groffeffe ;  elle  fut  épouvantée  de cette  fécondité extraordinaire ; & craignant l’humeur farouche & l’avarice de fon mari, qui pourroit fe porter à quelque extrémité contre’elle & les enfans ; elle prit la réfolution barbare de les faire périr ; & pour cela, elle engagea la sage-femme  qui  étoit  Chrétienne  de  les  fuffoquer  ou  les  noyer,  &  lui promit des récompenfes pour faire cette action & garder le fecret. La sage-femme lui dit qu’il valoit mieux les jetter dans une rivière afin de cacher fon deffein : elle mit ces enfans dans un panier bien couvert & s’en alla dans un Faux-bourg,  non loin de la Ville ;  où il y avoit des  familles Chrétiennes de fa connoiffance ; entra fecrètement dans une maifon où elle étoit familière, & dit à la femme du logis, le cas qui fe préfentoit, pour exercer un acte de charité envers ces neufs fœurs ;  d’abord, la Maîtreffe fit  venir  d’autres   femmes  Chrétiennes,  qui  furent  charmées  de  cette occafion,   que    Dieu leur  fourniffoit  d’excercer  des  actes  de  charité corporelle  &  fpirituelle  envers  le  prochain ;  c’eft  pourquoi  elles  fe chargerent de ces enfans avec plaifir pour l’amour de Dieu.
Après que la Sage-femme eût mis les neufs filles en fureté, elle fe retira promptement au logis de la Dame Califa ; lui dit que fes ordres étoient exécutés,  qu’elle avoit noyé  ces filles  adroitement,  dans  le  plus  grand fecret, que tout étoit fini.
Cependant les nourrices charitables chargées de ces enfans, allaiterent ces filles & les firent Baptitifer pour affurer leur falut. La première fut nommée Geneviefve, la feconde Marianne,  la troifième Germaine,  la quatrième Baziliffe, la cinquième Victoire, la fixième Eumelle, la feptième Gemme, la huitième Quiterie & la neuvième Liberatae.
Les  Chrétiens  chargés  de  ces  filles,  les  élèverent   dans   la   Doctrine Chrétienne, les fortifierent dans la Foi ; dans la Religion & dans la Piété ; enforte qu’elles étoient fort éclairées dans la Foi à l’âge le plus tendre ; & leur apprirent à travailler, ces fidelles les inftruifirent en même-temps de leur naiffance & de la réfolution barbare de leur mère ; & de la charité de leur sage-femme qui leur avoit fauvé la vie du corps & de l’âme, en leur procurant le bonheur éternel, auffi elles n’avoient d’autre deffein que de parvenir à ce bonheur ; elles croiffoient en âge & en fageffe, travailloient aux occupations manuelles de leur fexe, ce qui leur attiroit l’eftime & l’amitié des Fidelles Chrétiens de ce pays.
Lorfqu’elles  furent  âgées  d’environ  quatorze  ans,  les Empereurs renouvellerent la perfécusion contre les Chrétiens dans l’Empire romain, ayant donné des ordres févères pour obliger les Chrétiens d’adopter le Culte des Idoles & renoncer à la Religion Chrétienne ; Attilius ayant reçu ces ordres, ordonna de les exécuter dans fon Gouvernement.
Alors les Chrétiens furent affligés & obligés de fe difperfer, & fe cacher de côté & d’autre pour éviter la perfécution & la mort, les neuf filles fuivirent les autres

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